
Contrairement à une idée reçue, la crise de confiance envers la politique ne se résoudra pas en multipliant les « consultations », mais en opérant une révolution culturelle au sein même des partis de gauche pour partager réellement le pouvoir.
- La clé n’est pas l’outil (RIC, budget participatif), mais la posture de l’élu, qui doit devenir un facilitateur de l’intelligence collective plutôt qu’un décideur solitaire.
- Des expériences comme la Convention Citoyenne pour le Climat prouvent que des citoyens tirés au sort, une fois formés, font un travail aussi voire plus ambitieux que les élus professionnels.
- Des villes comme Saillans ou Grenoble montrent que gouverner « avec » les habitants est possible et redonne du sens à l’action publique.
Recommandation : Pour que la démocratie participative fonctionne, la transformation doit commencer par « démocratiser les démocrates » en formant les militants et en ouvrant les instances des partis à la société civile.
Vous connaissez ce sentiment. Celui d’allumer la télévision et de voir des débats politiques qui semblent se dérouler sur une autre planète. Des mots compliqués, des postures, des petites phrases… et la conviction profonde que rien de tout cela ne vous concerne vraiment. Ce spectacle permanent nourrit une méfiance, un dégoût même, et l’idée que, finalement, « tous les mêmes ». À gauche, ce fossé est peut-être plus douloureux qu’ailleurs, car elle porte historiquement l’idéal de l’émancipation et du pouvoir au peuple. Pourtant, elle semble trop souvent tomber dans le même piège : parler « aux » gens, leur expliquer ce qui est bon pour eux, au lieu de construire « avec » eux.
Face à la montée de l’abstention et à la crise de légitimité, la réponse a souvent été la même : organiser de grandes messes consultatives, comme le Grand Débat National. On demande leur avis aux citoyens, on compile des milliers de contributions, puis la vie politique reprend son cours, laissant une impression d’inutilité. Cette approche, que l’on pourrait qualifier de « fausse concertation », est un pansement sur une jambe de bois. Elle traite les citoyens comme des sources d’information et non comme des partenaires de décision. Elle oublie l’essentiel : la soif de participation est réelle, mais elle exige d’être prise au sérieux.
Et si la véritable solution n’était pas un nouvel outil magique, mais un changement radical de culture politique ? Si la gauche, pour être crédible, devait d’abord balayer devant sa porte et « démocratiser les démocrates » ? Cet article n’est pas un énième constat défaitiste. C’est un plaidoyer pour une transformation profonde des pratiques. Nous explorerons comment passer de la concertation cosmétique à la co-décision réelle, quels outils permettent de redonner le pouvoir aux citoyens, et pourquoi le mythe du « citoyen incompétent » est le principal obstacle au renouveau démocratique. En s’appuyant sur des expériences concrètes, de la Convention Citoyenne au village de Saillans, nous verrons qu’une autre politique est possible : une politique où l’élu n’est plus celui qui sait, mais celui qui organise, facilite et fait confiance à l’intelligence collective.
Pour comprendre comment réarticuler le lien démocratique, cet article explore les différents mécanismes et changements de paradigme nécessaires. Le sommaire ci-dessous vous guidera à travers les étapes clés de cette réflexion, des outils concrets aux transformations culturelles indispensables.
Sommaire : Restaurer la démocratie en parlant vraiment avec les citoyens
- Participer, c’est décider : la différence fondamentale entre la vraie démocratie participative et la fausse concertation
- RIC, budget participatif, convention citoyenne : le guide des nouveaux outils pour redonner le pouvoir aux citoyens
- Le mythe du citoyen incompétent : pourquoi 150 citoyens tirés au sort ont fait un meilleur travail sur le climat que le Parlement
- Comment « démocratiser les démocrates » ? Le grand chantier de la transformation interne des partis de gauche
- Grenoble, Barcelone, Saillans : ces villes qui ont fait le pari de gouverner avec leurs habitants
- Le tirage au sort : pourquoi cette vieille idée athénienne est en train de redevenir un outil révolutionnaire pour la démocratie
- Élu, mais illégitime ? Le grand malentendu qui ronge notre démocratie
- Au-delà des outils : l’éducation populaire comme socle d’une démocratie vivante
Participer, c’est décider : la différence fondamentale entre la vraie démocratie participative et la fausse concertation
La plupart des citoyens ont déjà fait l’expérience de la « fausse concertation ». C’est cette réunion publique où tout semble déjà décidé, ce questionnaire en ligne dont on ne voit jamais les résultats, ou ce grand débat national qui accouche d’une souris. L’intention est souvent d’apaiser une contestation ou de donner un vernis démocratique à une décision déjà prise en coulisses. Le problème fondamental de cette approche est qu’elle ne donne aucun pouvoir réel aux participants. Elle demande un avis, pas une décision. Elle infantilise le citoyen en le cantonnant à un rôle consultatif, renforçant le sentiment que « ça ne sert à rien ».
Pourtant, l’envie de participer est bien là. L’analyse du Grand Débat National a révélé un fait marquant : selon une étude du CEVIPOF, près de 50% des participants aux débats participaient pour la première fois à une réunion publique. Cette soif de dialogue est un capital politique immense, mais il est fragile. Si l’expérience est décevante, si la parole n’est pas suivie d’effets, le citoyen ne reviendra pas. La vraie démocratie participative commence là où la fausse concertation s’arrête : sur le partage du pouvoir de décision. Elle postule que les habitants d’un territoire sont les premiers experts de leur quotidien et qu’ils doivent être associés à l’élaboration, au vote et au suivi des politiques qui les concernent.
Passer de l’un à l’autre exige une révolution de la posture de l’élu. Il ne s’agit plus de « convaincre » mais de « faciliter ». L’objectif n’est plus d’obtenir l’adhésion à son projet, mais de co-construire un projet commun. Cela implique d’accepter de ne pas tout maîtriser, de se laisser surprendre par les propositions citoyennes et, surtout, de s’engager sur un contrat clair : définir en amont ce qui est négociable et quel sera le pouvoir final des participants. Sans ce transfert de pouvoir, même minime, toute démarche est vouée à l’échec et ne fera qu’alimenter le cynisme qu’elle prétend combattre.
RIC, budget participatif, convention citoyenne : le guide des nouveaux outils pour redonner le pouvoir aux citoyens
Affirmer la nécessité de partager le pouvoir est une chose, mais comment le faire concrètement ? La « boîte à outils » de la démocratie participative s’est considérablement enrichie ces dernières années, offrant des mécanismes adaptés à différentes échelles et ambitions. Ces dispositifs ne sont pas des gadgets, mais de véritables instruments pour transformer la fabrication de la décision publique. Ils vont du simple droit d’interpellation à la délégation d’une partie du budget d’investissement, voire à la rédaction de propositions de loi.
Chaque outil a ses spécificités, son coût et son niveau d’implication. Le tableau suivant, inspiré de divers rapports institutionnels, offre une vue d’ensemble des principaux mécanismes expérimentés en France.
| Outil | Échelle | Pouvoir décisionnel | Coût indicatif |
|---|---|---|---|
| Convention Citoyenne | Nationale | Consultatif | 5 millions € (CCC) |
| Budget Participatif | Commune/Département | Décisionnel limité | 1-5% budget investissement |
| Tirage au sort | Toutes échelles | Variable | Formation + indemnisation |
| RIC local | Commune | Potentiellement décisionnel | Organisation référendum |
Étude de cas : La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC)
La Convention Citoyenne pour le Climat, malgré ses limites politiques finales, reste un exemple phare. Elle a réuni 150 citoyens tirés au sort pendant 9 mois (2019-2020) avec un mandat clair : proposer des mesures pour réduire les émissions de GES de 40% d’ici 2030. Avec un budget de 5 millions d’euros, elle a produit 149 propositions après une formation intensive et l’audition d’experts contradictoires. Cet exercice a démontré de manière spectaculaire la capacité de citoyens « ordinaires », une fois informés et dotés de temps, à s’emparer d’un sujet d’une immense complexité et à formuler des propositions cohérentes et ambitieuses.
Ces outils ne s’excluent pas. Au contraire, leur force réside dans leur complémentarité. Une municipalité peut à la fois mettre en place un budget participatif pour des projets de quartier, organiser des jurys citoyens tirés au sort sur des sujets techniques (urbanisme, gestion des déchets) et faciliter l’émergence d’un droit d’initiative locale. La clé est de choisir l’outil adapté à la question posée et, surtout, d’être transparent sur les règles du jeu dès le départ.
Le mythe du citoyen incompétent : pourquoi 150 citoyens tirés au sort ont fait un meilleur travail sur le climat que le Parlement
L’un des freins les plus puissants à la démocratie participative est une idée tenace, souvent partagée au sommet de l’État comme au café du commerce : le « citoyen serait incompétent ». Les sujets seraient trop complexes, les gens trop égoïstes, manquant de vision à long terme… Cet argumentaire paternaliste est le refuge de ceux qui ne veulent pas partager le pouvoir. Or, l’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) a fait voler en éclats ce préjugé. Pendant neuf mois, 150 personnes, représentatives de la société française dans sa diversité (âge, genre, diplôme, lieu de vie), ont travaillé sur l’un des dossiers les plus ardus qui soient.

Le résultat ? Un rapport de 149 propositions d’une ambition et d’une cohérence systémique que le Parlement, fragmenté par les logiques de parti et les pressions des lobbies, n’avait jamais réussi à produire. Les citoyens de la CCC ont proposé des mesures fortes sur les transports, le logement, l’alimentation, la consommation… allant bien au-delà de ce que le gouvernement a finalement osé retenir. Ils ont démontré une chose essentielle : la compétence n’est pas innée, elle se construit. En leur donnant du temps, des informations pluralistes et l’aide d’experts contradictoires, on permet à l’intelligence collective de s’épanouir.
Le « secret » de leur réussite tient en deux points. Premièrement, ils étaient libres de toute carrière politique à défendre et de toute réélection à préparer. Leur seul mandat était l’intérêt général. Deuxièmement, leur diversité sociologique a permis de prendre en compte une pluralité d’expériences vécues. Une proposition était immédiatement confrontée à la réalité d’une personne vivant en zone rurale, d’un ouvrier aux revenus modestes ou d’un cadre urbain. Cette richesse de points de vue, absente d’une Assemblée Nationale sociologiquement très homogène, a permis de produire des mesures plus justes et socialement acceptables. Loin d’être incompétent, le citoyen, lorsqu’il est placé dans de bonnes conditions, est un décideur redoutablement pertinent.
Comment « démocratiser les démocrates » ? Le grand chantier de la transformation interne des partis de gauche
Promouvoir la participation citoyenne est un discours facile à tenir vers l’extérieur. Mais il perd toute crédibilité s’il n’est pas appliqué à l’intérieur même des organisations qui le portent. Comment un parti politique peut-il prétendre vouloir gouverner « avec » les habitants si, en interne, il fonctionne de manière verticale, opaque et refermé sur un cercle restreint de militants professionnels ? Le grand chantier pour la gauche est donc de « démocratiser les démocrates ». Il s’agit d’une révolution culturelle interne, un préalable indispensable pour retisser la confiance avec la société.
Cela passe par l’abandon des vieilles habitudes où les décisions sont prises par quelques cadres avant d’être « validées » par la base. Il faut transformer les sections locales en véritables lieux d’éducation populaire et d’intelligence collective, ouverts sur le quartier et capables d’animer des débats qui ne soient pas réservés aux seuls initiés. Le rôle du militant change : il n’est plus seulement celui qui colle des affiches, mais aussi celui qui sait animer une réunion, synthétiser une discussion et faire émerger un consensus. Cela demande de nouvelles compétences et donc un effort massif de formation.
La transformation doit aussi toucher les structures de décision. L’entre-soi, qui favorise la reproduction des mêmes profils sociologiques et intellectuels, est un poison. Introduire des mécanismes comme le tirage au sort pour une partie des membres des instances dirigeantes, ou rendre obligatoire la présence de personnes non-membres du parti dans les comités de programme, sont des pistes pour briser cette bulle. Il s’agit de faire entrer la « vraie vie » et la diversité de la société au cœur de la machine politique.
Plan d’action : 3 étapes pour démocratiser un parti politique
- Formation systématique : Former tous les élus et militants aux techniques d’animation de débat et d’intelligence collective, en s’appuyant sur des structures d’éducation populaire, pour qu’ils deviennent des facilitateurs et non des leaders autoritaires.
- Consultation obligatoire : Ancrer dans les statuts du parti l’obligation de consulter largement les habitants et les associations locales avant l’élaboration de tout programme électoral, afin que les propositions répondent à des besoins réels.
- Expérimentation du tirage au sort : Introduire le tirage au sort pour la composition d’une partie des instances internes (conseils fédéraux, commissions thématiques) afin de diversifier les profils, lutter contre le cumul des mandats internes et éviter la cooptation.
Grenoble, Barcelone, Saillans : ces villes qui ont fait le pari de gouverner avec leurs habitants
Le renouveau démocratique n’est pas une utopie lointaine. Partout en France et en Europe, des municipalités font le pari audacieux de changer radicalement leur manière de gouverner. Ces laboratoires locaux prouvent qu’il est possible de passer des mots aux actes et de construire des politiques publiques avec et par les citoyens. Des métropoles comme Grenoble ou Barcelone aux villages comme Saillans dans la Drôme, ces expériences, avec leurs succès et leurs difficultés, dessinent les contours d’une nouvelle pratique du pouvoir local.

À Grenoble, par exemple, la municipalité a mis en place des « budgets participatifs » où les habitants peuvent proposer et voter directement pour des projets d’investissement dans leur quartier. La ville a également développé des « interpellations citoyennes », permettant à un groupe d’habitants de poser une question à l’ordre du jour du conseil municipal, obligeant les élus à débattre publiquement d’un sujet qu’ils n’avaient pas forcément priorisé. Ce ne sont pas des gadgets, mais des transferts de pouvoir concrets sur une partie de l’agenda politique et budgétaire.
Étude de cas : L’hyper-démocratie de Saillans (2014-2020)
Le cas de Saillans, un village de 1300 habitants, est emblématique. Une liste citoyenne y a instauré un système de gouvernance collégiale et participative. Durant le mandat, 250 citoyens se sont impliqués dans 7 commissions thématiques ouvertes à tous. Selon les données de la mairie, plus de 50% de la population a participé au moins une fois à une décision. L’expérience a montré qu’une démocratie vivante est possible, mais elle a aussi mis en lumière ses défis : une « fatigue démocratique » peut s’installer chez les plus engagés face à la fréquence des réunions. Cela souligne l’importance de calibrer les dispositifs et de ne pas tout soumettre à la délibération.
Ces exemples montrent qu’il n’y a pas un modèle unique, mais une multitude de chemins possibles. Le point commun est toujours le même : une volonté politique forte de considérer les citoyens comme des partenaires légitimes et de transformer la mairie en une « maison commune » ouverte, où le pouvoir circule au lieu d’être confisqué.
Le tirage au sort : pourquoi cette vieille idée athénienne est en train de redevenir un outil révolutionnaire pour la démocratie
Le tirage au sort en politique semble souvent être une idée radicale, voire farfelue. Pourtant, il fut le mode de désignation principal des responsables publics dans la démocratie athénienne et, comme le souligne Montesquieu, il est par essence démocratique, tandis que l’élection est aristocratique (elle favorise la sélection des « meilleurs »). Aujourd’hui, cet outil connaît un regain d’intérêt spectaculaire car il offre une solution élégante à deux maux majeurs de nos démocraties : la crise de la représentativité et la capture du pouvoir par une élite politique professionnelle.
Le principal atout du tirage au sort est sa capacité à créer une assemblée qui soit un véritable miroir de la société. Alors que les élus sont majoritairement des hommes, cadres supérieurs et issus des classes les plus diplômées, le hasard permet de garantir la présence de femmes, d’ouvriers, d’employés, de jeunes, de personnes issues de la diversité… Comme l’a noté Patrick Bernasconi dans un rapport sur la participation citoyenne :
Le tirage au sort est le seul outil capable de garantir une représentation descriptive de la population. Cette diversité produit des décisions plus justes car elles intègrent une pluralité d’expériences vécues.
– Patrick Bernasconi, Rapport sur le développement de la participation citoyenne
Ce n’est pas un processus laissé au hasard. Pour la Convention Citoyenne pour le Climat, plus de 255 000 numéros de téléphone ont été appelés par l’institut Harris Interactive pour s’assurer d’obtenir un panel de 150 personnes réellement représentatif selon des critères d’âge, de genre, de niveau de diplôme, de catégorie socio-professionnelle et de territoire. Cet effort colossal montre que le tirage au sort est une méthode rigoureuse. Son caractère révolutionnaire est qu’il casse le monopole de la parole politique détenu par ceux qui en ont fait leur profession, redonnant une voix à ceux que l’on n’entend jamais.
Élu, mais illégitime ? Le grand malentendu qui ronge notre démocratie
La légitimité d’un élu repose traditionnellement sur l’onction du suffrage universel. « J’ai été élu, donc je suis légitime à décider ». Cet argument, longtemps incontestable, se fissure aujourd’hui de toutes parts. La cause principale est l’abstention massive et croissante à chaque élection. Quand un maire est élu avec 30% des voix au second tour d’une municipale où la participation n’a été que de 40%, il ne représente en réalité que 12% des électeurs inscrits. Le problème est encore plus criant aux législatives : à cause de l’abstention, un député est souvent élu par moins de 25% des électeurs inscrits.
Cette légitimité arithmétique de plus en plus faible crée un décalage dangereux. L’élu a la légalité pour lui, mais il a perdu une grande partie de sa légitimité politique et sociale. Il est perçu non plus comme le représentant de tout un peuple, mais comme le champion d’une minorité. Cette situation alimente un cercle vicieux : se sentant peu ou mal représentés, les citoyens se détournent encore plus des urnes, ce qui affaiblit davantage la légitimité des prochains élus. C’est ce grand malentendu qui ronge notre démocratie : nous continuons à fonctionner avec les rituels d’une démocratie représentative pleine de vitalité, alors que celle-ci est anémiée.
Il ne s’agit pas de jeter le système représentatif par-dessus bord. Comme le soulignaient les sénateurs dans un rapport récent, il faut être lucide sur la situation sans tout démolir.
La démocratie représentative demeure la pierre angulaire de notre système, même si elle traverse une période de crise marquée par le recul inédit de la participation.
– Françoise Gatel et Jean-Michel Houllegatte, Rapport sénatorial sur la démocratie implicative
La solution n’est donc pas de supprimer l’élection, mais de la compléter. La légitimité d’un élu au XXIe siècle ne peut plus reposer uniquement sur son score le soir du vote. Elle doit se construire et se renforcer tout au long du mandat, par sa capacité à dialoguer, à associer les citoyens, à rendre des comptes et à mettre en place des processus de co-décision. La démocratie participative n’est pas l’ennemie de la démocratie représentative ; elle est sa bouée de sauvetage.
À retenir
- La démocratie participative n’est pas une option, mais une nécessité pour répondre à la crise de légitimité politique et à l’abstention record.
- Le succès ne dépend pas de l’outil (RIC, budget participatif), mais de la volonté politique de partager réellement le pouvoir de décision avec les citoyens.
- Des expériences comme la Convention Citoyenne pour le Climat ont prouvé que les citoyens tirés au sort, une fois formés, sont capables de produire des propositions plus ambitieuses que les élus traditionnels.
Au-delà des outils : l’éducation populaire comme socle d’une démocratie vivante
Multiplier les dispositifs participatifs est une étape nécessaire, mais insuffisante. Si seuls les plus diplômés, les « sachants » et les habitués de la prise de parole en public s’emparent de ces nouveaux espaces, on ne fera que reproduire les inégalités que l’on prétend combattre. Le véritable carburant d’une démocratie vivante, c’est l’éducation populaire. C’est cet effort constant pour donner à chaque citoyen, quel que soit son bagage, les clés de compréhension des enjeux, les outils pour forger son opinion et la confiance pour l’exprimer.
Comme le souligne l’économiste Julia Cagé, spécialiste des questions démocratiques, le lien est indissociable :
Ce qui est important dans la démarche participative, c’est l’éducation populaire. Sans un effort massif pour donner à tous les citoyens les clés de compréhension, les dispositifs seront toujours capturés par les ‘sachants’.
– Julia Cagé, Professeure à Sciences Po
Concrètement, cela signifie qu’une mairie de gauche ne peut se contenter de lancer un budget participatif. Elle doit aussi organiser des ateliers de formation au budget communal, créer des versions simplifiées et pédagogiques des documents administratifs, et soutenir les associations qui travaillent sur le terrain pour « traduire » les enjeux locaux. C’est un investissement de long terme qui vise à élever le niveau de compétence collective et à faire de chaque citoyen un acteur potentiel de la vie de la cité.
Étude de cas : La « Journée Citoyenne », la démocratie du faire
Parfois, la participation la plus efficace est la plus simple. Initiée dans le village de Berrwiller (Haut-Rhin), la Journée Citoyenne a essaimé dans plus de 1000 communes. Le principe : une fois par an, les habitants se rassemblent pour réaliser bénévolement des projets qu’ils ont eux-mêmes proposés (repeindre l’école, nettoyer un sentier, créer un jardin partagé). Cette « démocratie implicative » ne passe pas par de grands débats, mais par le « faire ensemble ». Elle crée du lien social, renforce le sentiment d’appartenance et implique concrètement les gens dans l’amélioration de leur cadre de vie, redonnant un sens très direct au mot « citoyenneté ».
Arrêter de parler « aux » gens pour parler « avec » eux est moins une question de technique qu’une question de philosophie. C’est croire fondamentalement en l’égalité des intelligences. C’est accepter que le pouvoir n’est pas une propriété privée, mais un bien commun qui gagne à être partagé. Pour la gauche, ce n’est pas seulement une stratégie pour regagner des élections ; c’est un impératif pour être fidèle à ses propres valeurs.
La transformation de notre démocratie ne viendra pas d’en haut. Elle commence ici et maintenant, dans votre commune, votre association, votre quartier. Pour mettre en pratique ces idées, l’étape suivante consiste à vous intéresser aux initiatives locales et à rejoindre ou créer des espaces de délibération citoyenne près de chez vous.