
La coopération volontaire entre États a échoué à protéger nos biens communs mondiaux. La seule issue est de construire une architecture institutionnelle supranationale dotée d’un pouvoir de sanction réel.
- Les sommets pour le climat (COP), basés sur le volontariat, sont structurellement impuissants face à l’urgence.
- Confier la gestion des biens communs aux acteurs du marché conduit à un greenwashing généralisé et inefficace.
- Des modèles de gouvernance efficaces existent déjà, notamment à l’échelle locale, et doivent inspirer une action globale.
Recommandation : Il est temps d’exiger un débat public sur la création d’institutions mondiales contraignantes, comme un traité sur les pandémies et une Organisation Mondiale de l’Environnement avec un véritable pouvoir de sanction.
Chaque été, les alertes sécheresse se multiplient. Chaque nouvelle épidémie ravive le souvenir du chaos logistique et sanitaire mondial. Face à ces crises qui ignorent les frontières, un sentiment d’impuissance s’installe. Nous sentons que les solutions purement nationales sont dérisoires, mais les réponses internationales semblent toujours trop faibles, trop lentes, trop tardives. On nous parle de « responsabilité », de « coopération », on vante les mérites de la « finance verte » et on attend avec espoir la prochaine COP sur le climat.
Pourtant, ces approches, bien qu’essentielles, montrent leurs limites. Elles reposent sur un principe qui a prouvé son inefficacité face à l’ampleur des enjeux : le volontariat des États. Et si le problème n’était pas un manque de volonté, mais une erreur d’architecture ? Si la véritable clé n’était pas de mieux coopérer, mais de construire une autorité supranationale légitime, capable d’imposer des règles et de sanctionner ceux qui ne les respectent pas, pour le bien de tous ? Loin d’être une utopie, cette idée de souveraineté partagée est la seule voie réaliste pour gérer des biens qui n’appartiennent à personne mais dont la dégradation nous affecte tous.
Cet article propose de dépasser le constat d’échec pour esquisser les contours d’une véritable gouvernance mondiale. Nous analyserons pourquoi les mécanismes actuels sont condamnés à l’inefficacité, avant d’explorer les pistes concrètes pour bâtir les institutions de demain, capables de protéger durablement le climat et la santé mondiale.
Sommaire : Esquisse d’une nouvelle architecture pour les biens communs mondiaux
- La tragédie des biens communs : pourquoi les ressources en accès libre sont condamnées à disparaître
- Les COP sur le climat sont-elles inutiles ? Diagnostic d’un échec et pistes pour une vraie gouvernance climatique
- La « finance verte » sauvera-t-elle le climat ? Pourquoi il est dangereux de confier la gestion des biens communs aux acteurs du marché
- Un traité sur les pandémies : l’outil indispensable pour ne plus jamais revivre le chaos du Covid-19
- Comment des communautés du monde entier ont réussi à gérer durablement leurs ressources communes : les leçons d’Elinor Ostrom
- Le climat, les vaccins, internet : ces trésors qui n’appartiennent à personne et que nous devons gérer ensemble
- Déforestation et pandémies : le lien direct que la crise du Covid aurait dû nous faire comprendre
- La gauche et les grands enjeux planétaires
Le climat, les vaccins, internet : ces trésors qui n’appartiennent à personne et que nous devons gérer ensemble
L’air que nous respirons, la stabilité du climat, la connaissance scientifique, ou encore la sécurité sanitaire mondiale sont des biens communs mondiaux. Ils ont deux caractéristiques fondamentales : personne ne peut en être exclu (non-excluabilité) et leur utilisation par une personne ne réduit pas la quantité disponible pour les autres (non-rivalité), du moins jusqu’à un certain seuil. Or, la gestion de ces trésors partagés se heurte à une fragmentation croissante des intérêts nationaux. Comme le souligne la juriste Sandrine Maljean-Dubois, experte en droit international de l’environnement :
La fragmentation s’intensifie dans le cadre du climat, parce que les changements climatiques constituent une question complexe, multisectorielle, multiscalaire.
– Sandrine Maljean-Dubois, La gouvernance mondiale du climat – IHEST
Cette fragmentation est dangereuse car elle empêche de penser des solutions à la bonne échelle. Chaque État, poursuivant son intérêt à court terme, contribue à la dégradation d’un bien dont tout le monde dépend. Le Covid-19 l’a cruellement illustré : la course nationaliste aux masques puis aux vaccins a nui à la réponse sanitaire globale, prolongeant la pandémie pour tous. Reconnaître le statut de « bien commun mondial » à ces ressources n’est pas un exercice théorique ; c’est la condition première pour légitimer la création d’une architecture institutionnelle capable de les gouverner au-delà des égoïsmes nationaux.

Cette vision systémique, où santé, climat et biodiversité sont intrinsèquement liés, impose de repenser nos cadres de gouvernance. Les institutions créées au XXe siècle, fondées sur la souveraineté absolue de l’État-nation, ne sont plus adaptées pour répondre à des défis qui, par nature, sont transnationaux et interconnectés. L’enjeu est donc de construire un nouveau multilatéralisme, non plus basé sur le plus petit dénominateur commun, mais sur la défense de l’intérêt général humain.
La tragédie des biens communs : pourquoi les ressources en accès libre sont condamnées à disparaître
Le concept de « tragédie des biens communs », théorisé par Garrett Hardin en 1968, décrit un dilemme fondamental : lorsque plusieurs individus ont accès à une ressource limitée mais non réglementée, chacun a un intérêt rationnel à en consommer le plus possible. Si tout le monde suit cette logique, la ressource finit par être surexploitée et s’épuise, au détriment de tous. Cette théorie s’applique parfaitement aux grands enjeux planétaires. Chaque pays a intérêt à maximiser son développement industriel (en émettant du CO2) ou à préserver ses stocks de vaccins, même si l’addition de ces comportements individuels mène au chaos climatique et sanitaire mondial.
L’exemple de la gestion de l’eau en France illustre parfaitement ce mécanisme à une échelle plus locale. Face à des sécheresses de plus en plus intenses, l’absence de régulation forte conduit à des conflits d’usage et à une pression insoutenable sur la ressource. Ce n’est que par l’intervention de l’autorité publique, via des arrêtés préfectoraux, que les usages sont priorisés et la ressource préservée. En 2023, la situation était si critique que des restrictions ont touché 93 départements français.
Ce qui est vrai pour l’eau d’une rivière l’est encore plus pour l’atmosphère. Sans une autorité supranationale capable de fixer des règles communes et de les faire respecter, chaque État est incité à se comporter en « passager clandestin », profitant des efforts des autres sans contribuer lui-même à la hauteur de ses responsabilités. La tragédie des biens communs n’est pas une fatalité, mais la conséquence directe d’une absence de gouvernance. La solution ne réside pas dans un appel à la bonne volonté, mais dans la mise en place de règles contraignantes et d’un système de surveillance et de sanction, comme le propose le dispositif de gestion de la sécheresse qui vise à « assurer les usages prioritaires […] dans le respect des équilibres naturels ».
Les COP sur le climat sont-elles inutiles ? Diagnostic d’un échec et pistes pour une vraie gouvernance climatique
Les Conférences des Parties (COP) sont le principal forum de négociation sur le climat. Elles ont permis des avancées notables, comme l’Accord de Paris en 2015, qui a fixé l’objectif de limiter le réchauffement bien en dessous de 2°C. Cependant, leur mode de fonctionnement, basé sur le consensus et des contributions déterminées au niveau national (NDC) non contraignantes, constitue leur principale faiblesse. Chaque État est juge et partie, fixant ses propres objectifs et n’étant soumis à aucune sanction en cas de non-respect. Le résultat est une ambition collective notoirement insuffisante et des engagements rarement tenus.
Le paradoxe français est à ce titre éclairant. Pays hôte de la COP21 et chantre du multilatéralisme climatique, la France a été condamnée par ses propres tribunaux pour inaction. L’Affaire du Siècle a ainsi mis en évidence un dépassement des budgets carbone de 15 millions de tonnes de CO2 entre 2015 et 2018. Ce jugement historique prouve que sans mécanisme de contrainte, les déclarations politiques restent lettre morte. Comme le dénonce la Fondation pour la Nature et l’Homme, « La France […] ne se donne pas les moyens de respecter ses propres engagements ».
Pour sortir de cette impasse, une vraie gouvernance climatique devrait s’inspirer d’autres régimes internationaux plus efficaces, comme celui de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui dispose d’un organe de règlement des différends capable d’autoriser des sanctions commerciales. Une piste sérieuse serait la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME), dotée d’un pouvoir de sanction et d’un conseil de sécurité environnemental. Une autre option serait d’intégrer des clauses climatiques contraignantes dans les accords commerciaux, conditionnant l’accès aux marchés au respect d’objectifs de décarbonation. Ces mécanismes transformeraient les engagements volontaires en obligations juridiques, mettant fin à l’hypocrisie de sommets où les ambitions affichées contrastent avec l’inaction réelle.
La « finance verte » sauvera-t-elle le climat ? Pourquoi il est dangereux de confier la gestion des biens communs aux acteurs du marché
Face à l’urgence climatique, une idée a gagné en popularité : orienter les flux financiers privés vers des activités « vertes » pour accélérer la transition. Cette « finance verte » ou « durable », portée par des labels comme l’ISR (Investissement Socialement Responsable), promet de concilier rentabilité et protection de la planète. Cependant, en l’absence de règles strictes, cette approche s’est souvent transformée en une vaste opération de greenwashing. La logique du marché, qui est de maximiser le profit à court terme, est fondamentalement contradictoire avec la gestion à long terme d’un bien commun comme le climat.
Les faits sont têtus. Avant sa réforme, le label ISR français, censé être un gage de durabilité, incluait des entreprises parmi les plus polluantes au monde. Une analyse de Reclaim Finance a révélé que près de 70% des fonds passifs dits ‘durables’ étaient en réalité exposés à des entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles. Confier la protection du climat aux mêmes acteurs qui profitent de sa destruction est un dangereux pari.

La nécessité d’une régulation forte, et non d’une simple incitation de marché, est démontrée par la réforme même du label ISR en France, qui a finalement exclu les développeurs de projets fossiles.
Étude de cas : La réforme du label ISR, une reconnaissance de l’échec du marché
Fin 2023, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé une réforme durcissant les critères du label ISR. En excluant les entreprises développant de nouveaux projets d’hydrocarbures, cette décision a de facto sorti des géants comme TotalEnergies des portefeuilles ISR. Ce faisant, le gouvernement a implicitement reconnu que le marché, laissé à lui-même, est incapable de s’autoréguler et que l’urgence climatique rend les activités de ces entreprises « irresponsables ». C’est la preuve qu’une intervention politique et réglementaire forte est indispensable pour aligner la finance avec les objectifs climatiques.
Cet exemple montre que le marché ne peut être un pilote, mais tout au plus un outil, à condition d’être encadré par des règles démocratiques strictes. La gestion des biens communs est une prérogative politique qui ne peut être déléguée à des intérêts privés.
Un traité sur les pandémies : l’outil indispensable pour ne plus jamais revivre le chaos du Covid-19
La pandémie de Covid-19 a été un test grandeur nature de notre gouvernance sanitaire mondiale, et le résultat est un échec cuisant. La cacophonie des réponses nationales, la compétition pour les équipements de protection, le nationalisme vaccinal et le manque de transparence ont coûté des millions de vies et des milliers de milliards de dollars à l’économie mondiale. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), malgré son rôle crucial, n’a pas les pouvoirs nécessaires pour imposer une coordination efficace. Elle peut recommander, mais pas contraindre.
Pour éviter de répéter ces erreurs, la création d’un traité international sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies est devenue une nécessité absolue. Un tel instrument juridique ne doit pas être une simple déclaration d’intention. Pour être efficace, il doit comporter des engagements fermes et des mécanismes de vérification et de sanction. Il s’agit de mettre en place une véritable architecture de sécurité sanitaire collective, où la souveraineté de chaque État s’arrête là où commence la mise en danger de la santé de tous. Ce traité devrait être un pilier central de notre système de gouvernance mondiale, au même titre que les traités sur la non-prolifération nucléaire.
Les contours d’un tel accord sont clairs et doivent s’articuler autour d’actions concrètes, dépassant les simples déclarations de bonnes intentions.
Plan d’action : Les piliers d’un traité sur les pandémies efficace
- Transparence des stocks : Obligation pour les États de déclarer leurs stocks stratégiques nationaux (masques, respirateurs, médicaments) et leurs capacités de production.
- Production coordonnée : Mise en place de mécanismes de réquisition et de coordination de la production à l’échelle mondiale en cas de crise, pour éviter les pénuries.
- Financement durable : Création d’un fonds de préparation aux pandémies, potentiellement financé par une taxe sur les profits exceptionnels de l’industrie pharmaceutique.
- Protocoles de crise : Adoption de protocoles clairs et standardisés pour la gestion des frontières, les tests et le traçage, afin d’éviter la désorganisation et les décisions unilatérales.
- Partage équitable des technologies : Mécanismes garantissant un partage juste et rapide des technologies de vaccins et de traitements, incluant la possibilité de lever temporairement les brevets en cas d’urgence sanitaire mondiale.
Bâtir un tel traité n’est pas une atteinte à la souveraineté nationale, mais au contraire le seul moyen de la préserver. Une pandémie non maîtrisée détruit les économies et déstabilise les sociétés bien plus sûrement que le partage encadré de certaines prérogatives.
Comment des communautés du monde entier ont réussi à gérer durablement leurs ressources communes : les leçons d’Elinor Ostrom
Face au dilemme de la « tragédie des biens communs », deux solutions étaient traditionnellement envisagées : la privatisation (le marché) ou l’étatisation (le contrôle par une autorité centrale). En 2009, l’économiste Elinor Ostrom a reçu le prix Nobel pour avoir démontré l’existence d’une troisième voie : la gouvernance polycentrique, où des communautés locales parviennent à gérer durablement leurs ressources partagées grâce à des règles qu’elles se sont elles-mêmes fixées.
Ostrom a étudié des centaines de cas à travers le monde – des systèmes d’irrigation en Espagne aux pâturages en Suisse – et a identifié huit principes clés pour une gestion collective réussie. Parmi eux : des limites clairement définies, des règles adaptées aux conditions locales, la participation des usagers à la modification des règles, un système de surveillance et des sanctions graduées. Loin d’être une vision idéaliste, son travail est une démonstration empirique que la gouvernance par le bas, basée sur la confiance et des règles claires, est non seulement possible, mais souvent plus efficace que des solutions imposées d’en haut.
Étude de cas : Les fruitières à Comté du Jura, un modèle vivant des principes d’Ostrom
Depuis le Moyen Âge, les producteurs de lait du massif du Jura mettent en commun leur production dans des coopératives appelées « fruitières » pour fabriquer le Comté. Ce système illustre parfaitement les principes d’Ostrom. Les règles de production (race des vaches, alimentation, zone de collecte) sont extrêmement précises (règles claires). Les producteurs sont eux-mêmes membres de la coopérative et participent aux décisions (participation). Un système de surveillance mutuelle et de contrôle qualité garantit le respect du cahier des charges, avec des sanctions (prix du lait dégradé, exclusion) en cas de manquement. Ce modèle, qui perdure depuis des siècles, est la preuve qu’une gestion collective efficace d’une ressource commune est non seulement possible, mais qu’elle peut être un formidable levier de développement économique et de préservation des savoir-faire.
Les leçons d’Ostrom sont précieuses pour penser la gouvernance mondiale. Elles suggèrent que la solution n’est pas un gouvernement mondial unique et centralisé, mais une articulation de plusieurs niveaux de gouvernance (locale, nationale, régionale, mondiale), où chaque échelon dispose de règles et de pouvoirs adaptés. Un traité mondial sur le climat pourrait ainsi fixer les grands objectifs contraignants, tout en laissant aux communautés locales et aux États la flexibilité de définir les moyens les plus adaptés pour les atteindre.
Déforestation et pandémies : le lien direct que la crise du Covid aurait dû nous faire comprendre
La crise du Covid-19 n’est pas une catastrophe sortie de nulle part. Elle est le symptôme d’une crise plus profonde : la destruction des écosystèmes. La déforestation, l’urbanisation galopante et l’agriculture intensive détruisent les habitats naturels de nombreuses espèces, forçant les animaux sauvages, potentiellement porteurs de virus, à entrer en contact plus étroit avec le bétail et les humains. C’est ce qu’on appelle un « saut d’espèce » ou zoonose. Environ 60% des maladies infectieuses émergentes sont d’origine animale.
Ce lien direct entre santé environnementale et santé humaine a été souligné par de nombreuses organisations, dont l’OMS, qui affirme que « Le changement climatique affecte l’environnement physique ainsi que tous les aspects des systèmes naturels et humains, y compris les conditions sociales et économiques et le fonctionnement des systèmes de santé ». Ignorer ce lien, c’est se condamner à subir une succession de pandémies de plus en plus fréquentes et graves. La prévention des futures pandémies passe donc inévitablement par la protection de la biodiversité et la lutte contre la déforestation. C’est une question de santé publique.
L’argument économique est tout aussi puissant. Le coût de la prévention est infiniment plus faible que celui de la gestion de crise. Alors que les plans de relance post-Covid se chiffrent en milliers de milliards, les investissements nécessaires pour réduire de moitié la déforestation et surveiller le commerce d’animaux sauvages sont estimés à quelques dizaines de milliards par an. Pourtant, nous continuons de subir les conséquences dramatiques de notre inaction. Selon les données de Germanwatch, les événements climatiques extrêmes ont causé plus de 500 000 morts et 3,5 trillions de dollars de pertes en seulement 20 ans, démontrant l’urgence d’investir dans la prévention.
Une véritable gouvernance mondiale pour la santé doit donc être une gouvernance « One Health » (« Une seule santé »), intégrant la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes dans une seule et même approche. Cela implique de donner un mandat et des moyens à des organisations internationales pour agir sur les causes profondes des pandémies, et pas seulement sur leurs conséquences.
À retenir
- Le volontariat et la coopération entre États souverains ont montré leurs limites structurelles pour protéger le climat et la santé mondiale.
- La solution n’est ni le tout-étatique ni le tout-marché, mais la construction d’une architecture institutionnelle supranationale, dotée de règles claires et de pouvoirs de sanction.
- Des modèles de gouvernance efficaces existent (principes d’Ostrom, régimes commerciaux contraignants) et doivent inspirer la création de traités ambitieux pour les pandémies et l’environnement.
La gauche et les grands enjeux planétaires
La question de la gouvernance mondiale est éminemment politique et traverse tous les courants de pensée. En France, la gauche, dans sa diversité, propose différentes réponses à ce défi majeur. Ces visions oscillent entre un repli sur la souveraineté nationale, perçue comme le seul échelon démocratique légitime, et la projection dans une architecture supranationale, vue comme seule échelle pertinente pour agir. Comprendre ces différentes approches est essentiel pour cerner les futurs possibles de la coopération internationale.
L’analyse des différentes positions révèle des stratégies divergentes sur les moyens d’articuler l’action nationale et l’action globale.
| Courant politique | Vision de la gouvernance | Échelle privilégiée |
|---|---|---|
| Souverainistes (ex: LFI) | Sortie des traités pour retrouver une souveraineté populaire et planifier écologiquement au niveau national. | Nationale |
| Fédéralistes (ex: EELV/PS) | Renforcement de l’Union Européenne comme un levier pour imposer des normes et peser dans les négociations mondiales. | Européenne |
| Alter-mondialistes | Promotion d’un « souverainisme coopératif » et d’une gouvernance multi-échelles, articulant le local et le global contre la finance. | Multi-échelles |
Ces divergences montrent qu’il n’y a pas de consensus sur l’architecture à construire. Pourtant, comme le souligne la sociologue des sciences Amy Dahan, l’urgence est de dépasser ces clivages pour définir un cap commun. Elle nous alerte :
Il faudrait reconsidérer les politiques du développement industriel et agricole et ses institutions associées afin que des priorités communes soient définies, pour éviter de créer des dépendances au sentier qui rendront d’autant plus coûteuses les politiques climatiques du futur.
– Amy Dahan, L’impasse de la gouvernance climatique globale – Critique internationale
En définitive, la question n’est plus de savoir s’il faut une gouvernance mondiale, mais comment la construire pour qu’elle soit à la fois efficace, juste et démocratique. C’est le défi politique majeur du XXIe siècle.
Le temps des constats est révolu. L’urgence climatique et sanitaire impose de traduire les intentions en actes juridiques contraignants. Il est impératif d’engager un débat citoyen large sur la nécessité de déléguer une part de notre souveraineté à des institutions mondiales démocratiques et puissantes, seules capables de défendre l’intérêt général de l’humanité.