Image symbolique illustrant différentes formes de mise en commun des moyens de production au XXIe siècle, combinant coopératives, entreprises publiques, plateformes numériques et logements collectifs.
Publié le 17 mai 2025

Contrairement à l’idée reçue, la mise en commun des moyens de production n’est pas un concept dépassé mais une boîte à outils pragmatique et déjà opérationnelle pour le XXIe siècle.

  • Elle dépasse largement le cadre de la nationalisation pour inclure des modèles agiles comme les coopératives, les communs numériques ou le foncier solidaire.
  • Ces approches privilégient la gouvernance démocratique et la lucrativité limitée, démontrant une résilience et une capacité d’innovation sociale supérieures.

Recommandation : Explorer ces statuts juridiques et ces modèles de gouvernance comme des alternatives viables pour construire des entreprises plus souveraines, justes et alignées sur les défis écologiques.

L’idée de « mettre en commun les moyens de production » évoque souvent des images jaunies du XXe siècle, celles de nationalisations massives et d’une planification centralisée. Pour l’entrepreneur social ou le militant cherchant à bâtir des modèles économiques plus justes, ce concept peut sembler à la fois daté et déconnecté des réalités du marché actuel. La discussion se cantonne fréquemment à un débat binaire entre le capitalisme actionnarial et le contrôle étatique, laissant peu de place aux alternatives qui fleurissent pourtant sur le terrain.

Pourtant, cette vision est aujourd’hui largement dépassée. La véritable innovation ne réside plus dans ce face-à-face stérile, mais dans une myriade de formes juridiques et de projets concrets qui réinventent la notion de propriété et de pouvoir au sein de l’entreprise. Mais si la véritable clé n’était pas de choisir entre l’actionnaire et l’État, mais plutôt de construire des modèles où la gouvernance est partagée et la finalité sociale prime sur le profit à court terme ? C’est ce que propose l’économie sociale et solidaire (ESS), un secteur bien plus vaste et innovant qu’on ne l’imagine.

Cet article se veut un catalogue pratique de ces solutions existantes et éprouvées. Nous allons explorer comment des milliers d’entrepreneurs, de citoyens et de collectivités ont déjà commencé à reprendre le contrôle de leurs outils de production, que ce soit en créant des coopératives sans patron, en bâtissant des plateformes numériques appartenant à leurs usagers, ou en sortant le logement de la spéculation. Loin de l’idéologie, il s’agit d’une exploration pragmatique des possibles pour construire une économie plus démocratique et souveraine.

Pour ceux qui préfèrent un format condensé, la vidéo suivante propose une immersion dans la richesse et la diversité des initiatives qui façonnent un nouveau modèle économique sur l’ensemble du territoire, complétant parfaitement les solutions détaillées dans ce guide.

Afin de naviguer au mieux dans ce panorama des alternatives, ce guide s’articule autour de huit modèles et concepts clés qui illustrent la richesse de la mise en commun des moyens de production aujourd’hui. Chaque section présente une facette de cette économie en pleine effervescence.

La coopérative : et si la meilleure solution pour l’entreprise était de se passer de patron ?

Loin d’être un modèle marginal, le statut coopératif est une force économique majeure qui propose une alternative directe au capitalisme actionnarial. Son principe fondateur est simple mais révolutionnaire : l’entreprise appartient à ceux qui y participent activement (salariés, producteurs, usagers) et non à des investisseurs externes. La gouvernance est démocratique, basée sur le principe « une personne, une voix », et les profits, ou « excédents de gestion », sont majoritairement réinvestis dans l’outil de travail, assurant sa pérennité et son développement à long terme.

Il existe plusieurs formes de coopératives, comme les SCOP (Sociétés Coopératives et Participatives), où les salariés sont les associés majoritaires, ou les SCIC (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif), qui incarnent une vision encore plus ouverte. Comme le souligne un rapport de Grant Thornton, « la diversité de parties prenantes associées ou multi sociétariat est la base de toute SCIC ». Ce modèle permet d’associer au capital et à la gouvernance toutes les parties prenantes d’un projet : salariés, bénéficiaires, bénévoles, collectivités publiques, partenaires privés, etc. Cette gouvernance multipartite garantit que l’entreprise poursuit un projet d’utilité sociale qui dépasse les seuls intérêts de ses travailleurs.

La vitalité de ce modèle est indéniable. Les SCIC, par exemple, représentent déjà près de 15% des salariés et 15% du chiffre d’affaires du mouvement coopératif. Elles se développent dans des secteurs aussi variés que les énergies renouvelables, la culture, les services à la personne ou le numérique.

Étude de cas : La reprise d’entreprise en SCIC par ses salariés

Un exemple concret de la puissance de ce modèle est la reprise d’une entreprise saine par ses propres salariés. Face au départ à la retraite d’un dirigeant sans repreneur, la transformation en SCIC offre une solution pérenne. Comme le détaille une étude sur les aspects juridiques et financiers de ces transmissions, ce processus permet aux salariés de devenir collectivement propriétaires de leur outil de travail. En y associant des partenaires clés (clients, fournisseurs, collectivités locales), ils assurent non seulement la continuité de l’activité, mais ancrent également l’entreprise dans son territoire, la protégeant ainsi des logiques de délocalisation ou de démantèlement financier.

En définitive, la coopérative n’est pas simplement une entreprise sans patron ; c’est une entreprise où le pouvoir et la valeur sont distribués de manière équitable, créant un modèle économique plus résilient et plus humain.

Pourquoi le retour de l’entreprise publique est une idée d’avenir pour notre souveraineté

L’entreprise publique souffre, elle aussi, d’une image vieillotte. Pourtant, à l’heure de la transition écologique et de la nécessaire reconquête de notre souveraineté industrielle et numérique, elle redevient un outil stratégique de premier plan. Loin des administrations rigides d’autrefois, les modèles de gestion publique les plus innovants, notamment en Scandinavie, montrent la voie d’une gouvernance efficace, transparente et participative.

Ces nouvelles entreprises publiques hybrides intègrent les technologies numériques pour améliorer leur efficacité, ouvrent leur gouvernance aux citoyens et aux usagers pour garantir que leurs missions répondent à l’intérêt général, et s’imposent comme des acteurs clés de la planification écologique. Elles seules peuvent porter les investissements massifs et de long terme que la transition exige, dans des domaines où la recherche de rentabilité immédiate par le secteur privé est un frein. Comme le souligne une analyse sur le sujet, « l’entreprise publique est le seul outil capable de mener les investissements massifs et de long terme nécessaires à la transition écologique ».

Ce paragraphe introduit le concept d’une gestion publique moderne. Pour bien le comprendre, il est utile de visualiser ses composants principaux. L’illustration ci-dessous décompose ce processus.

Illustration symbolique de la gouvernance publique innovante combinant participation citoyenne, technologie numérique et développement durable

Comme le montre ce schéma, la souveraineté économique moderne repose sur la capacité à maîtriser des secteurs stratégiques. La filière de la confiance numérique en France en est un parfait exemple. Ce secteur, qui englobe la cybersécurité, l’identité numérique ou encore le cloud souverain, est essentiel pour protéger nos données et notre autonomie stratégique. Il connaît une croissance remarquable, avec un chiffre d’affaires qui a atteint 19 milliards d’euros et une croissance de 9,6% entre 2022 et 2023. Le soutien public à cette filière est donc un investissement direct dans notre souveraineté.

Le retour de l’entreprise publique n’est donc pas un retour en arrière, mais une projection vers un futur où la puissance publique, modernisée et démocratisée, redevient le garant de l’intérêt général et le moteur des transformations structurelles.

Le service public et le monde coopératif sont-ils vraiment « moins innovants » que le privé ? Spoiler : non

Un des mythes les plus tenaces est celui de la supériorité intrinsèque du secteur privé en matière d’innovation. Cette idée repose sur une définition très restrictive de l’innovation, souvent limitée à la technologie et à la recherche de nouveaux marchés pour maximiser le profit. Or, les structures de l’économie sociale et solidaire, incluant les coopératives et les services publics, sont des lieux d’une intense innovation sociale.

Comme le définit l’Avise (Agence de valorisation des initiatives socio-économiques), l’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux mal ou non satisfaits. Son but n’est pas le profit, mais la transformation durable et l’inclusion. Cette approche est fondamentale pour relever les défis actuels : vieillissement de la population, transition écologique, lutte contre l’exclusion. Il est crucial que « l’innovation sociale soit reconnue comme innovation à part entière », car elle valorise des progrès qui ne sont pas toujours monétisables mais qui sont essentiels au bien-être collectif.

L’État et les collectivités reconnaissent de plus en plus cette force, notamment via des dispositifs comme les contrats à impact social ou la bannière French Impact, qui visent à financer et à valoriser ces innovations. Loin d’être moins performants, les modèles à gouvernance démocratique et à lucrativité limitée favorisent une innovation plus profonde et pérenne.

Étude de cas : L’excellence des communs numériques

L’exemple le plus éclatant de cette capacité d’innovation hors du cadre marchand se trouve dans le numérique. Des projets comme Wikipédia, le système d’exploitation Linux ou la cartographie OpenStreetMap sont des « communs » planétaires, développés par des milliers de contributeurs bénévoles. Leur qualité, leur robustesse et leur valeur ajoutée dépassent souvent celles de leurs équivalents privés et commerciaux. Ces réussites prouvent qu’une logique de contribution collective et de partage des connaissances peut générer une valeur immense, sans qu’il soit nécessaire de breveter, de privatiser ou de monétiser chaque interaction.

Le débat n’est donc pas de savoir qui est « le plus » innovant, mais de reconnaître que le secteur public et coopératif produit une forme d’innovation différente, orientée vers l’humain et le long terme, qui est indispensable à l’équilibre de notre société.

Reprendre le contrôle de nos données : comment construire des plateformes numériques qui nous appartiennent vraiment ?

L’économie numérique est aujourd’hui dominée par une poignée de plateformes géantes dont le modèle économique repose sur la captation et la monétisation de nos données personnelles. Face à ce capitalisme de surveillance, une troisième voie émerge : celle des « communs numériques » et des plateformes coopératives. L’idée est de construire des infrastructures digitales qui appartiennent et sont gouvernées par leurs propres utilisateurs.

Ces plateformes alternatives reposent sur des principes radicalement différents : logiciels libres (open source), gouvernance démocratique, interopérabilité des protocoles et modèles économiques qui ne dépendent pas de la publicité ciblée. Elles visent à garantir la souveraineté numérique des citoyens et des organisations, en leur redonnant le contrôle sur leurs données et leurs outils de communication et de travail.

Ce paragraphe introduit l’idée de plateformes alternatives. Pour bien visualiser à quoi cela ressemble, l’illustration ci-dessous représente une gouvernance numérique collective.

Image symbolique d'une plateforme numérique coopérative opérée collectivement par citoyens, avec un réseau digital ouvert et transparent

Loin d’être une utopie, ce mouvement s’incarne dans des projets concrets qui fonctionnent à grande échelle.

Étude de cas : Decidim, la plateforme de la démocratie citoyenne

Développée initialement pour la ville de Barcelone, Decidim (« Nous décidons » en catalan) est une plateforme numérique libre et open source qui permet aux citoyens de proposer, débattre et voter des politiques publiques. Elle est aujourd’hui utilisée par des centaines de villes, d’associations et d’organisations dans le monde pour organiser des budgets participatifs, des consultations ou des assemblées citoyennes. Decidim est un « commun numérique » exemplaire : son code est transparent et améliorable par tous, et sa finalité est purement démocratique, sans aucune exploitation commerciale des données des participants.

Plan d’action : les étapes pour créer une plateforme numérique coopérative

  1. Points de contact : Engager dès le départ un groupe diversifié d’utilisateurs, de salariés et de partenaires dans la définition du projet et de sa gouvernance future.
  2. Collecte : Développer le service en utilisant des technologies ouvertes et des protocoles interopérables pour éviter de créer un nouvel écosystème fermé.
  3. Cohérence : Construire un modèle économique viable (abonnements, services, dons) qui soit aligné avec les valeurs du projet et exclut la publicité intrusive et la vente de données.
  4. Mémorabilité/émotion : Mettre en place des processus de décision transparents et démocratiques pour que la communauté puisse réellement orienter les évolutions de la plateforme.
  5. Plan d’intégration : Intégrer la plateforme dans un réseau plus large d’acteurs de l’économie sociale et solidaire pour renforcer son impact et sa résilience.

En choisissant de construire ou d’utiliser ces plateformes, nous ne faisons pas qu’opter pour un service différent ; nous participons activement à la construction d’un internet plus ouvert, plus démocratique et plus respectueux de nos droits fondamentaux.

Le logement n’est pas une marchandise : les solutions pour sortir la terre et les murs de la spéculation

Le logement est un des exemples les plus frappants de bien commun traité comme un pur produit financier. La spéculation immobilière dans les zones tendues exclut une part croissante de la population d’un accès à un logement décent et abordable. Face à cela, des modèles de « dé-marchandisation » de l’immobilier émergent, avec un objectif clair : dissocier la propriété du sol de celle des murs pour neutraliser la spéculation foncière.

Le modèle le plus abouti est celui des Community Land Trusts (CLT), ou Organismes de Foncier Solidaire (OFS) en France. Le principe est le suivant : une structure à but non lucratif (l’OFS) acquiert et conserve la propriété du terrain de manière perpétuelle. Elle vend ensuite les logements (les murs) à des ménages sous conditions de ressources, à un prix bien inférieur à celui du marché, car le coût du terrain est exclu. En contrepartie, les ménages s’engagent à revendre leur bien à un prix également encadré, ce qui garantit son accessibilité pour les générations futures. Le bien est ainsi sorti définitivement du marché spéculatif.

Cette approche cherche à trouver un équilibre juste entre les droits individuels et les besoins collectifs. Comme l’expliquait déjà en 1982 Diane Palucha, une experte du sujet, « le modèle des Community Land Trusts cherche à concilier les intérêts légitimes des individus et ceux de la collectivité ». Il permet aux familles de devenir propriétaires de leur logement et de constituer un patrimoine, tout en garantissant que ce patrimoine reste abordable sur le long terme pour la communauté.

Pour financer ce type d’habitat non spéculatif, plusieurs instruments peuvent être mobilisés :

  • Le renforcement du droit de préemption des communes sur certains terrains pour les dédier à des projets d’OFS.
  • La création de statuts de propriété spécifiques qui limitent l’usage et la revente spéculative.
  • La mobilisation des banques publiques et des institutions financières éthiques pour proposer des prêts adaptés.
  • La promotion de circuits de finance solidaire permettant aux citoyens d’investir leur épargne dans ces projets.

Ces outils ne sont pas une négation de la propriété, mais une redéfinition intelligente de celle-ci, pour que le droit fondamental au logement prime sur la recherche de plus-values financières.

« Une personne, une voix » : les principes de base qui rendent l’économie sociale et solidaire radicalement différente

Au cœur de tous les modèles que nous venons d’explorer se trouve un ensemble de principes qui distinguent fondamentalement l’économie sociale et solidaire (ESS) de l’économie capitaliste classique. L’ESS ne se définit pas par un statut juridique unique, mais par une finalité et un mode de fonctionnement communs, qui reposent sur quatre piliers intangibles.

Le premier est la gouvernance démocratique, incarnée par le principe « une personne, une voix ». Dans une coopérative, que vous ayez apporté une part sociale ou cent, votre poids dans les décisions stratégiques est le même. Le pouvoir n’est pas lié au capital, mais à la participation humaine. Le second est la lucrativité limitée : les profits ne sont pas une fin en soi et ne sont pas distribués aux actionnaires. Ils sont majoritairement réinvestis dans le projet pour assurer sa pérennité, son développement et son impact social. Comme le résume le rapport annuel d’ESS France, les valeurs de « démocratie, justice sociale, émancipation et responsabilité sont au cœur de l’économie sociale et solidaire ».

Ces principes ne sont pas de simples déclarations d’intention ; ils ont des conséquences économiques très concrètes. La gouvernance démocratique et la mise en réserve des bénéfices rendent ces entreprises beaucoup plus résilientes en temps de crise. Une analyse de la crise de 2008 a ainsi démontré que les structures de l’ESS, moins dépendantes des marchés financiers et plus ancrées dans leurs territoires, ont mieux résisté aux chocs et ont détruit beaucoup moins d’emplois que les entreprises classiques.

Le poids de ce secteur est d’ailleurs considérable : en France, il représente plus de 2,4 millions de salariés et mobilise l’engagement de 14 millions de bénévoles. Il ne s’agit donc pas d’une niche, mais d’un pan entier de notre économie qui fonctionne déjà selon d’autres règles.

Comprendre ces principes est la clé pour saisir la portée transformatrice de l’ESS : elle ne propose pas seulement de « faire du business autrement », mais de changer les règles du jeu économique lui-même.

Le mythe de la supériorité du privé : quand la privatisation des services publics tourne au fiasco

Pendant des décennies, la privatisation des services publics (eau, énergie, transports, etc.) a été présentée comme la solution miracle pour améliorer l’efficacité et réduire les coûts. L’idée était que la concurrence et la gestion privée seraient intrinsèquement supérieures à la gestion publique. Cependant, de nombreux retours d’expérience à travers le monde montrent un bilan très contrasté, voire des échecs patents, qui conduisent aujourd’hui à un mouvement inverse : la « remunicipalisation ».

Le principal problème de la gestion privée d’un service essentiel est le conflit d’objectifs. L’opérateur privé a pour mission de maximiser le profit pour ses actionnaires, tandis que la collectivité cherche à garantir un service de qualité, accessible à tous et à un prix juste, tout en assurant les investissements à long terme. Très souvent, la logique de rentabilité conduit à une hausse des tarifs pour les usagers, une baisse des investissements dans la maintenance des infrastructures et une opacité dans la gestion.

Face à ces dérives, de plus en plus de collectivités locales choisissent de reprendre le contrôle direct de ces services. Ce mouvement n’est pas un simple retour à l’ancienne régie municipale, mais l’occasion de mettre en place une gestion publique moderne, démocratique et transparente.

Étude de cas : Le succès de la remunicipalisation d’Eau de Paris

Paris est l’un des exemples les plus emblématiques de ce mouvement. En 2010, après 25 ans de gestion déléguée à des opérateurs privés, la ville a décidé de recréer une entreprise publique unique, Eau de Paris. Le bilan est sans appel : une baisse significative du prix de l’eau pour les usagers, une meilleure gestion des ressources et une gouvernance innovante. La nouvelle structure inclut en effet dans son conseil d’administration des représentants des usagers et des organisations de la société civile, garantissant que les décisions sont prises de manière transparente et dans l’intérêt de tous. Comme le soulignent des experts du secteur, « le retour à la gestion publique est souvent la seule voie pour préserver un service de qualité et un prix stable ».

Le cas de l’eau, comme celui de nombreux autres services publics, démontre que la mise en commun sous gestion publique, lorsqu’elle est démocratique et bien menée, est souvent la solution la plus efficace et la plus juste pour la collectivité.

À retenir

  • La mise en commun des moyens de production au XXIe siècle est une réalité économique diverse, allant des coopératives aux entreprises publiques modernes et aux communs numériques.
  • Ces modèles privilégient la gouvernance démocratique (« une personne, une voix ») et une lucrativité limitée, ce qui renforce leur résilience et leur impact social.
  • Des secteurs aussi fondamentaux que le logement, les données numériques ou les services publics peuvent être sortis de la logique purement marchande grâce à des outils juridiques et financiers innovants (OFS, plateformes coopératives, remunicipalisation).

Économie sociale et solidaire (ESS) : la nouvelle norme pour une économie durable ?

Au terme de ce panorama, il apparaît clairement que l’économie sociale et solidaire est bien plus qu’un simple « tiers secteur » entre le marché et l’État. Elle représente un véritable projet de société, une manière de concevoir l’activité économique où la performance financière est un moyen au service d’une finalité sociale et écologique. Les différents modèles que nous avons vus – coopératives, communs, entreprises publiques citoyennes – sont les briques qui construisent cette alternative concrète.

L’ESS apporte des réponses directes aux grandes impasses du modèle dominant. Face à la crise écologique, elle promeut des circuits courts, l’économie circulaire et les énergies citoyennes. Face à la crise démocratique, elle met le pouvoir de décision entre les mains des parties prenantes. Face à la crise sociale, elle se concentre sur la création d’emplois non délocalisables et sur la réponse aux besoins essentiels. Pour toutes ces raisons, elle est de plus en plus considérée non pas comme une exception, mais comme la direction à suivre. Comme l’affirme le rapport d’ESS France, « l’économie sociale et solidaire est la norme souhaitable d’une économie qui allie prospérité inclusive et respect des limites planétaires ».

Pour que ce potentiel se déploie pleinement, le développement d’un écosystème favorable à l’international est crucial. Cela passe par plusieurs actions clés :

  • Le renforcement des réseaux européens et mondiaux de l’ESS pour partager les bonnes pratiques.
  • La mobilisation de financeurs solidaires et le rapprochement avec le monde de la recherche et des universités.
  • La création de pôles de compétitivité dédiés à l’innovation sociale.
  • La promotion de l’éducation populaire à ces modèles économiques pour susciter de nouvelles vocations.

Mettre en pratique ces modèles n’est plus une question d’idéologie, mais de pragmatisme. L’étape suivante consiste à évaluer, pour chaque projet entrepreneurial ou citoyen, lequel de ces statuts et de ces modes de gouvernance est le plus adapté pour garantir son impact et sa pérennité.

Rédigé par Thomas Garnier, Thomas Garnier est un économiste spécialisé dans les politiques publiques et la fiscalité, ayant travaillé une dizaine d'années au sein de grands organismes d'évaluation. Il excelle dans la vulgarisation des enjeux socio-économiques et la déconstruction des mythes libéraux.